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La pierre, l’eau, le bois
Pierre, appelée cargneule, tu t’offres aux mains habiles de ceux qui t’ont façonnée pour l’édification de l’abbaye de Boscodon.
Tu absorbes la lumière et la renvoies. La chaleur, tu la retiens et en hiver tu la diffuses généreusement pour les visiteurs Leurs doigts aiment te caresser et malgré tes allures de fragilité tu fais preuve de solidité. En effet, inébranlable es-tu car ni les incendies, ni la malveillance des hommes n’ont eu raison de toi. Cargneule, tu as donné naissance à de multiples formes de taille et chacune d’elles, ayant une fonction indispensable et complémentaire, contribue à la beauté de l’édifice.
Par le choix de la pierre comme matériau de construction, les moines bâtisseurs ont voulu transmettre leur savoir aux multiples générations à venir, leur foi aussi à travers toute la symbolique.
Le bois utilisé, celui du mélèze, occupe une place prépondérante dans cet édifice. Essence imputrescible, de couleur miel ou rouge chatoyant, il charme les yeux, titille l’odorat et invite à une admiration certaine notamment face aux magnifiques charpentes du cloître. Il devient bardeaux, stalles, escalier, buffet d’orgue, fontaine.
Humble ou majestueux, il donne le meilleur de lui-même grâce au savoir de ceux qui le taillent amoureusement.
Je ne peux m’empêcher d’être émue à l’abattage d’un si bel arbre qui, après tant d’années de croissance, voit sa sève couler comme des larmes de résignation. Faut-il mourir pour donner vie?
L’eau, troisième élément, tantôt claire comme celle de la source, tantôt boueuse comme celle du Merdosus, occupe aussi une place indispensable dans l’édification de ce joyau.
Son désir et son bonheur : couler librement, arrosant abondamment les alpages fleuris au printemps, désaltérant les troupeaux et les randonneurs, creusant son lit patiemment en dévalant les montagnes. Elle a toutefois accepté de se laisser canaliser, dompter, de perdre sa liberté pour répondre aux nécessaires besoins de l’homme.
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