Veillée de prière autour de Fr. MAURICE
Mercredi 1er septembre 2021
Fr. Maurice a été un homme à la personnalité très riche et, donc, complexe, bien difficile à cerner. Tous ceux qui l’ont connu peuvent, en effet, en témoigner.
Maurice est, à la fois, timide et hardi. Il a été un moine avec beaucoup de dons à exercer. Brillant dans les études, il se révèle adroit et avisé dans la conduite des affaires.
Quand j’ai débarqué, moi, à Tamié, en 1975, il vient d’être nommé cellérier (économe) par Dom François de Sales, l’abbé qui l’a accueilli et avec qui il entretient, pendant ses études, une correspondance intense. Il gérait ce poste – à ce que je pouvais en déduire – avec beaucoup d’aisance et de compétence.
Il s’attelait à cette fonction (très importante) tout en cultivant d’autres intérêts, multiples et variés : la recherche exégétique, qu’il entretenait sous le regard du Père Jean Delhorme (il suivait, à cette époque, le structuralisme, en collaboration avec d’autres de la Faculté Théologique de Lyon). Mais il était aussi très impliqué dans le renouveau liturgique, la création de textes poétiques, le chant (c’était un chantre très apprécié). Il s’intéressait même au jardin. Il s’est vite impliqué dans la Commission Francophone Cistercienne (CFC) le SECLI et Kinnor, organismes qui faisaient connaître et protégeaient les créateurs de textes liturgiques. De ces derniers il en était le fondateur.
Tamié lui doit aussi beaucoup pour l’abbaye, des adaptations qui ont influencé notre manière de recevoir nos hôtes, des chantiers complexes qu’il menait avec beaucoup d’entrain et de ténacité et qu’il préparait en partant de très loin. Qui connait notre milieu de vie sais que nos projets évoluent lentement et, souvent, au prix de beaucoup d’efforts de tout genre. Soit du fait que nous sommes nombreux, soit parce que, a priori, plutôt conservateurs. Je ne scandalise personne quand je dis que, parfois, ces débats démocratiques peuvent provoquer des oppositions pas toujours sereines, puisque passionnées.
Quelques indications biographiques.
Maurice est né à Saint Chamond, près de Saint Etienne le 27 août 1938 et il est le 8ème de sa grande famille de neuf enfants : quatre sœurs et cinq frères. Il entre à Tamié en 1964 et fait profession solennelle cinq ans après. Il occupe le poste de cellérier jusqu’en 1990, soit une durée de 16 années.
Après avoir mené à bon terme les chantiers des cellules des moines, du captage de l’eau potable, des chambres de l’hôtellerie et l’important chantier du Centre d’Accueil en collaboration avec son ami, l’architecte Jacques Combet, il devient le responsable et le gérant du magasin pendant 6 années.
En 2000, après une courte expérience comme hôtelier, il prend ses distances de Tamié, où il se sent à l’étroit. C’est notre abbé Jean-Marc qui doit gérer ce passage difficile. Il faut dire que c’est aussi le moment où on fait appel à lui pour aider différentes communautés monastiques en vue de la mise en place de l’office divin. Mais pas seulement, car ses compétences débordaient en bien d’autres domaines : Notre Dame des Neiges, Melleray, Chalais, Mokoto et Murhésa (en Afrique). Et encore Port du Salut (en Mayenne), Igny (en Champagne), Scourmont (Belgique), Blauvac (près d’Avignon) où il a suivi la construction de la nouvelle église… Et, sans doute, d’autres encore. Il collabore à la Traduction Liturgique de la Bible. C’est vraiment l’homme polyvalent.
Et il ne cesse pas pour autant de cultiver ses amitiés et ses multiples intérêts très diversifiés dont il n’aime pas faire étalage. Il restera toujours réservé, l’ourson ironique comme on l’appelait quand, jeune, il était scout.
Maurice était – en secret – un homme spirituel. Cela pourrait étonner certains, mais, justement, ça fait partie de la complexité de sa personnalité. Comme il était très pudique, nous découvrons maintenant certaines de ses compositions poétiques qu’à Tamié nous ne connaissions même pas, ou très peu. Une fois de plus : Personne n’est prophète dans son pays.
Personnellement, je lui suis très reconnaissant pour les conseils qu’il m’a donnés quand j’étais en Italie. Pour moi, son implication a été déterminante pour me rapprocher de Tamié.
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Et puis il y a eu la « période Boscodon », dans les hautes Alpes de Provence. Déjà avant l’an 2000, il avait désiré s’impliquer progressivement dans cet ambitieux projet parti, dans les années ’70, autour d’une intuition de Sœur Jeanne-Marie, une dominicaine douée de beaucoup de charismes. C’est à partir de 2004 qu’il décide de s’y engager davantage en y séjournant de manière plus stable.
Il gardait toujours, toutefois, un lien avec Tamié. Je crois que, pour lui, cela restait, malgré tout, très important. Notre abbé Victor participera au conseil annuel de cette communauté composite et originale en tant que représentant de Tamié. Tout cela n’était pas très canonique, c’est vrai, mais c’était la réalité de Boscodon.
Et c’est à Boscodon que des problèmes de santé commencent à prendre une place importante dans sa vie et cette expérience doit s’arrêter, pour lui, en 2016.
C’est d’abord chez les PP. Maristes de Lyon, à Ste Foy, qu’il est accueilli en 2016 (un de ses cinq frères était Mariste) et ensuite chez les Frères Maristes au Montet, près de Lyon, en 2018/19.
A Tamié il ne passe plus que de courtes périodes (parfois à Noël, pendant les retraites de communauté…), tout en nous disant qu’il voudrait être enterré ici. Il l’écrit encore dans ses dernières volontés.
Il refuse à plusieurs reprises nos propositions de rentrer à Tamié et c’est seulement très récemment, dans la maison de Fourvière, quand sa santé est désormais très compromise, que cette idée se manifeste plus explicitement. Mais son médecin traitant nous déconseille ce déplacement.
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Tout en gardant sa réserve coutumière, il reste jusqu’à la fin très proche de sa famille, de ses amis et… de Tamié.